6. "L'OR BLANC" , LE MINOT
C'est au XVIII ième siècle que, grâce à l'extension du système cultural blé/maïs,le terroir de la Moyenne-Garonne devint un grand pays à blé tandis que les fleuves virent se multiplier les moulins. La demande croissante de farines, la possibilité grâce au maïs de réserver le froment à l'exportation et l'aptitude des blés durs à supporter les longs voyages permirent à la minoterie de se développer. Des qualités de farines différentes permettaient une bonne adaptation à la demande : la "fleur de farine",blutée à 50% et très prisée par le commerce colonial, les sembles, les résillons envoyés dans le Languedoc, la Gironde et la repasse abandonnée à l'amidonnerie locale. Cette industrie demeure indissociable du commerce : les négociants encadrent cette activité : achat du blé (importé de Gascogne, de l'Albigeois ou du Languedoc) et vente de la farine.Certains franchirent le pas et créèrent leur propre meuneries, schéma analogue à celui du secteur textile.
Ces farines minots devinrent très rapidement un fret essentiel pour les voyages en droiture vers les colonies et constituèrent au XVIII ième siècle un des éléments primordiaux du grand commerce.
Montauban possédait dès le moyen-âge des moulins à farine fonctionnant à la force hydraulique, ce qui lui permit d'exporter rapidement le produit transformé.Cette activité bénéficia au XVIII ième siècle de l'essor de l'économie atlantique.Le débouché canadien permit de multiplier de quadrupler les exportations entre 1700 et 1763.Le nombre de minotiers passa de 10 en 1768 à 42 en 1788. A la veille de la Révolution le trafic du blé s'élevait à plus de 2 millions de livres. En 1786,800000 barils de farine étaient traitées par 1800 à 2000 ouvriers. La puissante Compagnie des Trois Moulins contrôlait en 1786 les moulins de Sapiac (6 meules), Sapiacou (5 meules), des Albarèdes (8 meules) (59). Depuis 1764 celui de Palisse (6 meules) travaillait également au foulon. Certains moulins étaient également fixés sur l'Aveyron, le Tescou et plus épisodiquement sur le Tescou et la Nivelle (60).
De nombreuses villes comme Nérac possédaient également de nombreuses minoteries.
Le véritable tournant semble se situer au début du XIX ième siècle.Les 32 minotiers de Lot-et-Garonne traitaient 190650 quintaux (152250 venus du département, 38100 du Lot et du Gers). Parce qu'elle était étroitement dépendante du marché du blé, la minoterie essuya diverses crises dues au problème des subsistances.L'autorisation gouvernementale donnée aux antillais d'exporter des farines étrangères, conjuguée à une succession de mauvaises récoltes, provoqua une crise de 1777 à 1783.1788 marqua un arrêt presque complet de cette activité et Necker dut interdire en septembre toute exportation de grains, pourtant encouragée l'année précédente par Brienne ."nos minotiers ont été obligés de fournir à nos boulangers et ne trouvent ni blé ni farines.Seigles et froments ne sont point beaux à cause du brouillard et les minotiers ont vue de ne point travailler" (lettre d'un négociant montalbanais à son correspondant ). Parallèlement aux problèmes dûs à la conjoncture locale et nationale, politique et économique, les minotiers furent frappés de plein fouet par la perte des colonies.Des 60 minotiers traitant en 1789 400000 quintaux de blé, n'en subsistaient plus que 17 en 1811.Seule la puissante compagnie des Trois Moulins parvint à continuer de faire tourner ses 17 moulins occupant 2000 ouvriers.
. La Garonne peut donc être qualifiée de "fleuve du blé":ce dernier a permis à de nombreux négociants d'édifier une fortune conséquente grâce à l'intermédiaire bordelais ; tout aussi important fut ce dernier dans l'essor d'une autre denrée d'origine agricole et qui joua un rôle important dans la prospérité de la moyenne Garonne : le vin.